Médicaments anti-obésité : entre espoir et limites.

21 novembre 2023
Nutrition, blog
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L’obésité est un véritable fléau épidémique qui concerne plus d’un milliard de personnes dans le Monde à l’heure actuelle (OMS) et qui ne cesse de progresser aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement. Les causes sont bien connues : de plus en plus de sédentarité et une alimentation qualifiée de « malbouffe » mais aussi une part de génétique et de prédisposition familiale, sans oublier l’effet prise de poids des traitements anti dépresseurs, des traitements hormonaux, des périodes de grossesse et d’allaitement et de certaines maladies relativement fréquentes comme l’hypothyroïdie (surtout chez la femme). La ménopause s’ajoute à cela avec une augmentation quasi inévitable de la masse grasse péri viscérale profonde (le « gros ventre »).

La déception des régimes yoyo …

Tout commence en général par un surpoids modéré incitant à suivre ses premiers régimes. Après la joie des quelques kilos perdus, la désillusion arrive vite avec le retour à la case départ, voire même au final un ajout de quelques kilos supplémentaires. C’est le classique phénomène du yoyo pondéral qui, au fil des années et de la succession des espoirs déçus, fait passer du stade de surpoids modéré à celui de l’obésité.

La petite musique de l’aide médicamenteuse …

Les recommandations n’ont jamais changé : bouger plus et manger mieux. Mais la petite musique de l’aide médicamenteuse a toujours été bien tentante surtout si, comme le pensent certains, elle peut éviter de faire des efforts. Les tentatives de perte de poids par l’approche médicamenteuse ont été des échecs jusqu’alors, en raison de leurs effets secondaires potentiellement graves. Souvenons-nous des amphétamines, des extraits thyroïdiens et de certains traitements anti-diabétiques détournés de leurs indications.

La révolution des incrétines, en marche…

L’arrivée des incrétines sur le marché des anti-diabétiques a changé la donne. Ces molécules sont naturellement fabriquées par les cellules de la muqueuse intestinale (intestin grêle) et sont libérées dans le sang sous l’effet de l’arrivée du glucose, venant de la digestion de nos aliments et boissons riches en glucides (féculents, pain, fruits, sucre et boissons sucrées … ). Ces incrétines, que nous pouvons appeler GLP1, passent très vite dans le sang, en direction du pancréas et du cerveau. Au niveau du pancréas, pour stimuler la sécrétion d’insuline afin de faire rentrer tout ce glucose dans les cellules et donc baisser la glycémie. Au niveau du cerveau, pour calmer la sensation de faim puisque qu’on vient de manger ….

Mais la chose ne se passe pas ainsi chez le diabétique. Chez lui, les récepteurs au GLP1 sont un peu paresseux et il en fabrique moins. D’où la très bonne idée d’en fabriquer à sa place.

Encore fallait-il que ce GLP1 survive assez longtemps dans le sang pour être efficace. Alors, les laboratoires pharmaceutiques se sont attelés à la tâche. Ils ont travaillé la molécule et ont modifié sa formule pour la rendre moins attaquable par une enzyme qui normalement dégrade l’incrétine en quelques minutes dans le sang (la DPP4) et voilà ! Les nouveaux médicaments du diabète de type 2 sont apparus sur le marché, sous la forme de principes actifs différents selon les laboratoires : le liraglutide (Victoza®, Saxenda®), le sémaglutide (Wegovy®, Ozempic®), le dulaglutide (Trulicity®), le tirzepatide (Mounjaro®). De quoi s’y perdre ….

Quand les diabétiques se mettent aussi à maigrir …

Le corps médical a constaté que ces médicaments se révélaient non seulement efficaces pour mieux équilibrer les glycémies mais qu’ils provoquaient également une perte de poids chez ces diabétiques. Un effet positif bienvenu, attendu que la plupart des diabétiques de type 2 sont également en surpoids voire souffrant d’obésité. On n’allait donc pas s’en plaindre. Les pertes de poids pouvaient être impressionnantes : de 15 à 20 kilos par an pour un diabétique traité par incrétine, à condition toutefois de suivre aussi un régime et de faire du sport. A signaler que la plupart de ces incrétines ont une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour le traitement du diabète de type 2 avec obésité et que l’usage en cas d’obésité isolée se concevrait dans ce cas hors AMM et sans remboursement. Faisons le point sur les plus utilisés ….

L’Ozempic ®

C’est un sémaglutide qui a 94% d’homologie avec le GLP1 humain et qui est actif sur son récepteur pancréatique et hypothalamique (cerveau). Il est réservé au traitement du diabète de type 2, en complément d’autres thérapies médicamenteuses. A ce titre, il est remboursé en partie par l’assurance maladie. Il réduit également l’appétit et permet, en cas d’obésité, de perdre environ 5 kilos après 3 mois de traitement à la dose maximale d’1mg en injection en sous cutané par semaine. Certains ont voulu en faire le médicament miracle de l’obésité. Il a donc souvent été détourné de son AMM au risque de mettre en péril sa disponibilité pour les diabétiques. L’Assurance Maladie a donc demandé aux prescripteurs de strictement réserver ce médicament aux diabétiques.

Le Wegovy®

Cousin de l’Ozempic®, le Wegovy® est également un sémaglutide mais qui, lui, a obtenu une AMM obésité. Il est donc réservé aux cas d’obésité (IMC >30) et aux moins de 65 ans, mais il ne peut être prescrit que par les médecins des Centres Spécialisés en Obésité (CSO) et les Centre Hospitaliers Universitaires – ainsi que par les médecins spécialisés dans le traitement et le suivi de l’Obésité. La prise en charge de l’obésité est en effet multidisciplinaire et nécessite un suivi médical et nutritionnel.

Le Saxenda ®

C’est un liraglutide qui a 97% d’homologie avec le GLP1 humain. Cet anti-diabétique a également obtenu une AMM européenne en cas d’obésité (IMC > 30) ou d’IMC > 27 avec au moins une comorbidité associée (HTA, apnée, stéatose hépatique, dyslipidémie, diabète de type 2 …). Sa demi-vie est plus courte que celle des sémaglutides, raison pour laquelle, il doit être injecté en sous cutané chaque jour. Les études ont porté sur un total de 6000 adultes obèses ayant en moyenne un IMC > 27, ayant reçu la dose maximale de 3mg par jour pendant une durée maximale de 2 ans. A 5 mois de traitement, 70% des patients ont perdu entre 5 et 10% de leur poids et 30% environ 10%. Cela signifie qu’une personne qui pesait 120 kilos pouvait perdre, en moyenne, entre 10 et 12 kilos, à condition de suivre également un régime contrôlé en calories et une activité physique suffisante. A signaler qu’entre le groupe sous traitement et le groupe placebo (uniquement le régime et l’activité physique), il y avait une différence d’environ 5 kilos sur 5 mois de traitement.

Le Mounjaro®

C’est un tirzepatide qui semble avoir un effet encore plus puissant que le sémaglutide sur la perte de poids en raison d’un double effet GLP1 et GIP (tous deux actifs sur le cerveau). C’est un anti diabétique, également prescrit sur ordonnance, pouvant permettre une perte de poids significative de plus de 15% en au moins 6 mois. La bonne nouvelle : sa fabrication sera effective en France à partir de 2026.
En conclusion, manger équilibré, bouger tous les jours et bien dormir sont des comportements essentiels permettant de bénéficier des doses les plus basses de traitements médicamenteux et donc de diminuer leurs effets secondaires.

Médicaments anti obésité, mode d’emploi et recommandations …

Quand on est obèse et diabétique, il y a tout ce qu’il faut sur le marché des médicaments pour perdre du poids de façon significative, entre le liraglutide (Victoza®, Saxenda®), le sémaglutide (Wegovy®, Ozempic®) ou le dulaglutide (Trulicity®)…. Le médecin choisit celui qui est le mieux adapté à son patient diabétique.

Quand on est obèse et non diabétique, la situation est un peu plus compliquée au risque de sortir de l’AMM Diabète du médicament (ce qui est interdit) ou alors en faisant appel au Saxenda® (non remboursable toutefois) à raison d’une injection en sous cutané tous les jours pendant …. un certain temps. A noter que tout traitement n’ayant pas fait perdre plus de 5% de son poids en 3 mois doit être considéré comme peu efficace et doit donc être arrêté.

L’efficacité de ces traitements a été validée via des protocoles prévoyant systématiquement le suivi d’un régime contrôlé en calories (baisse de 500 kcal vs l’alimentation quotidienne) et la pratique d’une activité physique suffisante (au moins 150 mn par semaine). Il est donc illusoire de penser qu’il suffit de se piquer pour maigrir.

Qu’en est-il à l’arrêt du traitement ? Les études ont porté sur une durée maximale de 2 ans. Des essais faits sur des temps plus courts ont montré une tendance à la reprise de kilos.

Ces traitements sont destinés uniquement aux personnes souffrant d’obésité et non pas en surpoids modéré. Ils ont démontré leur efficacité sur des traitements au long cours avec des doses maximales. Il est donc illusoire de penser qu’on puisse les utiliser pour perdre quelques kilos avant les vacances d’été à la plage.

Les effets secondaires sont réels. Les plus fréquents sont d’ordre digestifs à type de nausées, constipation, diarrhées, ballonnements et semblent s’estomper au fil du temps. Il a été décrit, mais beaucoup plus rarement, des cas de lithiases biliaires (calculs dans la vésicule), de coliques hépatiques, d’hépatites, de pancréatites aigües. Si ces risques sont faibles, ils ne sont pas nuls et sont potentiellement dangereux.

Ces traitements sont contre indiqués chez la femme enceinte et la femme allaitante, chez le sujet âgé de plus de 70 ans, en cas d’insuffisance rénale ou hépatique, en cas de rétinopathie diabétique. Ils peuvent provoquer des hypoglycémies quand ils sont associés à d’autres traitements anti-diabétiques.

Si ces traitements représentent une réelle avancée dans la lutte contre l’obésité, il faudrait idéalement que tout le monde puisse en profiter, que les effets secondaires soient les plus faibles possibles et que les formes consommables soient plus pratiques (par voie orale) tout en sachant que cela reste un médicament !

Prévenir c’est guérir …

Il faut aussi rappeler que la meilleure lutte contre l’obésité reste la prévention. Quand un enfant de 10 ans est en surpoids, il a 70% de risque de devenir obèse à l’âge adulte ! Il faut donc éviter que nos enfants et adolescents ne grossissent et pour cela leur proposer une nourriture plus saine, les faire bouger davantage et les faire dormir davantage.

Quant aux adultes, attention à ne pas laisser les kilos s’accumuler. Tout kilo pris est dur à perdre, surtout passée la cinquantaine ; Il faut réagir vite et surtout penser à soi et à sa santé. Quelque que soit la cause de la prise de poids, il faut corriger son alimentation, réintroduire les légumes et diviser par deux sa consommation de graisse et de sucre – et éviter l’alcool bien sûr. Bouger davantage est une évidence quand on sait que 40% du poids de notre poids vient de nos 660 muscles ! Nous sommes faits pour le mouvement et pas pour le canapé à outrance. Il suffit de 45 mn de marche tous les jours pour gagner quelques années d’espérance de vie. Quant au sommeil, grand oublié de tous, il est pourtant au commandement de tout, y compris de nos comportements alimentaires.

Médicaments anti-obésité : entre espoir et limites.